
Noureddine Benchekroun/ Bureau de Marrakech
Les récents événements en Afrique consistant à deux coups d’États successifs
( le Niger et le Gabon) surviennent au moment où la France se prête à quitter ses derniers bastions sur lesquels elle avait
toujours mainmise sur ce continent.
De ce fait, l’analyse de ces événements répond à plusieurs questions sur le « jeu » géopolitique des grandes puissances en Afrique, considérée comme continent de l’avenir de l’humanité.
### Le Niger:
Juste après le coup d’État du Niger, la France a concentré toutes ses forces entraînant avec elle l’Union Européenne et la » CEDEAO » pour faire pression sur les putschistes en vue de rendre le pouvoir à « Mohamed Bazoum » et restaurer le statut constitutionnel.
L’Élysée a également fait tout ce qu’il pouvait pour unifier le langage face à ce coup d’État, condamnant et menaçant même d’une intervention militaire.
Par contre et loin de toute panique, les États-Unis d’Amérique, et également le Maroc, avaient leur propre langage en accord complet avec le rétablissement du statut constitutionnel, sans condamner l’arrivée au pouvoir de la nouvelle autorité.
### Le Gabon
Quant au coup d’État au Gabon, les choses étaient différentes : la France, malgré ses énormes intérêts dans ce pays (après la Chine), s’est abstenue de toute escalade envers les putschistes et a continué à surveiller la situation. Le niveau politique et culturel des putschistes leur a permis d’agir intelligemment, d’éviter l’escalade française et européenne et de rassurer tout le monde sur le fait que leurs intérêts dans le pays seraient protégés. Outre, ils ont affirmé que
l’ex-président » Ali Bongo » a pris sa retraite au lieu d’être détenu.
### Dualité des positions Françaises et Européennes :
Dans le même ordre d’idées, « Joseph Borrell » responsable de la politique étrangère à
» l’Union Européenne » , a justifié la différence entre le coup d’État au Niger et celui du Gabon par l’ingérence du président Ali Bongo dans les élections et leur fraude.
Même langage tenu par les français ce qui montre clairement que l’Union européenne fonctionne avec la boussole française et suit ses recommandations.
L’explication de cette contradiction de position entre les cas gabonais et nigérian réside dans la certitude des français de la non-ingérence de la Russie à travers son groupe » Wagner » ou par le biais de sa diplomatie dans le coup d’État au Gabon,
mais c’est plutôt une réponse à un état de chaos institutionnel, de faillite économique, d’impuissance politique, de pauvreté sociale et d’incapacité du président à exercer ses fonctions en raison de son état de santé.
Cette dualité dans les positions réside encore dans l’évaluation qui servent ou non les intérêts français et européens ou selon que le nouveau régime dispose d’une base sociale qui pourrait préserver la stabilité et la sécurité et éloigner les risques pour les intérêts stratégiques occidentaux.
D’ailleurs, dans le cas nigérian, la France et l’Union européenne étaient assurées que le rôle russe était fort et que ce coup d’État s’inscrivait dans les épisodes du retrait forcé de Paris de plusieurs pays africains, ce qui explique sa condamnation allant jusqu’à chercher une excuse pour intervenir militairement ( problème de l’ambassadeur français au Niger).
Ce n’est pas le cas pour le Gabon pour lequel la France et l’Union européenne espèrent trouver chez les nouveaux dirigeants l’accueil et l’assurance pour garantir leurs intérêts et réduire la présence chinoise croissante dans ce pays.
De ce qui a été dit et suivant le cours des événements, plusieurs questions logiques et cohérentes cherchent à trouver réponses, dont la principale:
Est ce que les grandes puissances s’efforcent de redistribuer le gâteau de leurs anciennes colonies d’une manière cohérente avec les concepts des droits de l’homme et de la démocratie » à l’occidentale » en plaçant des pions à la mesure ?
### Effets sur la grande relation
Marocco-Gabonaise:
Quant à la menace que peut présenter ce changement imprévisible au Gabon sur les intérêts du Maroc dans ce pays, elle n’est pas à épargner, mais ce qui est rassurant, au moins pour l’instant c’est que le général meneur de ce coup d’État a des liens personnels au Maroc puisqu’il a travaillé comme attaché militaire à l’ambassade du Gabon au Royaume après sa formation dans les écoles militaires marocaines.
Le Maroc suit donc la situation de près, la déclaration du ministère des Affaires étrangères a été rédigée avec un langage de neutralité à l’égard des affaires intérieures des Gabonais.
Les normes diplomatiques du Maroc restent standards dans ces cas de figures.
### La présence Américaine:
En effet, ayant perdu l’Uranium du Niger, source énergétique vitale pour la France, l’Élysée voit au Gabon une alternative à cette perte. Ce pays dispose suffisamment de richesses dont le pétrole (180.000 barils/jour) en plus des réserves d’or et d’autres minerais.
Sans oublier que ce pays est par excellence le premier pays Africain en termes de revenu moyen par habitant ( 9000 dollars/ an).
Une richesse et des réserves potentielles très attrayantes pour les grandes puissances.
Mais, si les nouvelles autorités gabonaises ne tiennent pas leurs promesses envers les Français et les Européens ( les Américains ne restent jamais spectateurs), la France n’aurait d’autres issues que de se plier à genou pour bénéficier de l’uranium Marocain.
En effet, et selon un journal américain qui vient de confirmer que la plus grande réserve d’uranium au monde se trouve au Maroc.
Et bénéficier des richesses du Royaume exige la reconnaissance de la marocanité du Sahara et clore ce dossier une fois pour toute.
Les Américains ne peuvent pas laisser un
» enfant désobéissant » roder librement
( la France) et travaillent pour le faire asseoir, d’ailleurs leur » touche » au Niger n’est pas exclue même avec la présence russe…???
Marrakech le 02/09/2023